A propos de référendum et de constitution

Soumettre un texte aussi complexe qu’une constitution à un référendum où la réponse est “Oui” ou “Non” est compliqué.
Parce qu'il y a alors 3 textes influant la prise de décision :
- le texte Ancien, qui est en cours d'utilisation,
- le texte Nouveau, qui est soumis au référendum,
- et le texte Idéal, celui qu'on aurait voulu voir proposé.
Ce texte Idéal peut ressembler au texte Nouveau, à part quelques articles à modifier, ou un préambule à supprimer, ou différer totalement. Surtout, chaque personne a son propre texte Idéal, et il n'est pas forcément possible de fusionner ces différents textes Idéaux personnels.

Si je vote “Oui”, le texte Nouveau est adopté, et c'est la fin, pour un certain temps, des discussions.
Si je vote “Non”, je peux espérer que les discussions reprennent, et qu'un nouveau texte Nouveau soit proposé, plus proche de mon texte Idéal.
Pendant le temps de ces nouvelles discussions, le texte Ancien continue de s'appliquer.

Du coup, pourquoi voterai-je “Oui”, puisque c'est faire le deuil, sans doute définitif, de mon texte Idéal ?
Je vais accepter de voter “Oui” si le texte Nouveau est suffisamment proche de mon texte Idéal pour que je pense que poursuivre les discussions aura peu de chance de m’en rapprocher encore. Si les textes Idéaux personnels sont trop différents (ce qui est assez probablement le cas), cette condition aboutira difficilement à un “Oui” collectif. Une autre possibilité, c'est si le rejet du texte Ancien me semble plus important que de potentiellement se rapprocher de mon texte Idéal par la poursuite des discussions. Il faut alors, pour que ce “Oui” soit collectif malgré la disparité des textes Idéaux, qu'il y ait un sentiment collectif d'urgence à rejeter le texte Ancien, qui vaille, pour chacun, de renoncer à obtenir un texte Nouveau plus proche de son texte Idéal.
C'est facile en cas de sortie de guerre, ou après une révolution, quand le texte Ancien ne peut clairement plus suffire et doit impérativement être remplacé. C'est plus compliqué dans les autres cas.

C'est ce qui a tué le TeCE en 2005, les gens rêvant d'un plan B donnant un nouveau texte Nouveau plus proche de leur texte Idéal (textes Idéaux pas forcément compatibles les uns avec les autres, par ailleurs). Et ne ressentant absolument pas l'urgence à rejeter le texte Ancien (que personne ne connaissait de toute façon).
C'est ce qui me laisse très dubitatif quant à des constitutions de 6ème République, le sentiment d'urgence de rejeter la Vème étant trop faible. Pour qu'une 6ème constitution passe par référendum, il faudrait qu'elle se rapproche très fortement du texte Idéal de beaucoup. Sinon, ils voteront “Non” pour que les discussions continuent, en espérant que le texte soit amélioré dans le sens de leur texte Idéal. Le sentiment d'urgence est d’autant plus faible que les résultats de cette Présidentielle montre que la 5ème peut encore produire de l'inédit (fin du bi-partisme, dégagisme,  etc.) ; et de simples modifications (inversion des élections législatives et présidentielles, modification des agendas des chambres …) peuvent largement modifier le fonctionnement des institutions et la perception de leur rôle, sans forcément passer par la totale remise à zéro d'une nouvelle constitution.

Billet original sur BLUeS BARD

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