Je vous en parlais courant juillet, j’ai participé à un jeu littéraire qui a duré du 15 juin au 15 septembre (un peu plus en fait, si on considère les billets de début et de fin, écrits par le personnel de l’auberge).
Le bilan en chiffre est éloquent mais évidemment très réducteur de ce que cette expérience a pu représenter durant ces 3 mois :
- 107 jours entre le premier et le dernier texte / 869 billets publiés / 6199 commentaires
- 66 personnages / 58 auteurices
En tant que lecteur
Le premier plaisir a été de s’extraire de la vraie vie pour se plonger dans un univers de fiction, dans la même temporalité mais en excluant l’actualité lourde de la période, ce qui semblait absolument indispensable. Ce fut une expérience réjouissante (mais chronophage) de suivre les histoires de cette auberge et de ses clients tout au long de l’été, avec beaucoup de personnages attachants, mais quelques uns pour lesquels j’ai eu moins d’affinité. Réjouissant aussi de voir comment les histoires s’entremêlent et les personnages interagissent, diverses occasions permettant des rapprochements ou des scènes d’anthologie.
J’ai été aussi impressionné par la qualité des textes de beaucoup d’auteurs et l’inventivité de certains procédés narratifs.
L’ambiance générale était très positive, ce que je comprends complètement, l’idée n’étant évidemment pas de plomber les vacances à l’auberge. Cette bienveillance globale était très chouette, bien sûr. J’avoue que ça m’a aussi un peu laissé sur ma faim, car hormis un personnage qui au départ se met à dos à peu près tout le monde, mais s’avère finalement plus quelqu’un de mal dans sa peau que méchant, le ton global est resté très bon enfant. Dans une idée de réalisme (ou d’équilibre, peut-être), je me disais : n’y a-t-il pas toujours dans un établissement de ce genre un ou 2 pénibles qui ont tendance à agacer tout le monde ? Mais genre, vraiment ?
En tant qu’auteur
J’ai voulu faire un bilan assez exhaustif de mon ressenti pour ma 1ère expérience d’écriture de fiction et collective.
Le personnage
Étant donné que j’ai assez peu le goût de l’invention, de l’imagination, et puisque c’était une possibilité, j’ai laissé les instigateurs de cette auberge (“Les aubergistes”) me proposer un personnage, son nom, sa façon d’être, et un bout de sa vie.
Colin MacGowan la petite trentaine rêveuse, est réparateur de cycles à Quimper. Il aime récupérer des vieux vélos et leur redonner une seconde vie. Il est d’ailleurs venu avec son dernier-né, un tandem rutilant assorti d’une remorque qu’il n’a pas tout à fait fini de restaurer. Tombé par hasard sur une brochure vantant l’auberge et constatant que plusieurs vélos étaient mis à disposition il a pensé que cet établissement conviendrait parfaitement à ses goûts. Il espère que Lucie, la jeune femme qui… que… bref, il lui a proposé de le rejoindre et il espère bien qu’elle le fera !
Était-ce une bonne idée ? J’ai pu me raccrocher à certains éléments, mais d’autres ne m’ont pas forcément bloqués, mais un peu gênés (“trentaine rêveuse”). J’y ai donc ajouté des éléments plus proches de mon univers, ou développé ceux qui me parlaient. Hasard complet, j’étais en vacances à Quimper à ce moment-là, et connaissant plutôt pas mal la région, ça m’a permis de me raccrocher à certains détails & lieux pour un des billets.
Ensuite, je pense aussi que j’aurais dû préparer en amont (et pas le jour du premier billet) une trame plus dense du personnage et de son évolution, anticiper plus, pour ne pas me retrouver à rédiger sous la pression : je m’étais juste donné des idées pour chaque billet, sans plus, et j’ai eu bien du mal à développer et donner de la consistance.
En réfléchissant un peu, avec le recul, j’aurais pu aussi partir d’un personnage avec une part d’autobiographie non négligeable, j’aurais peut-être été plus à mon aise. Ou un personnage un peu sombre, désagréable[1].
Les doutes
Dès l’écriture du 1er billet (que j’ai commencé en retard par rapport à mes dates de présence, 1e erreur qui m’a aussi pénalisé dans le temps…), c’est un peu la panique. Que dire, comment développer ? J’étais quasi tétanisé. Je ne me sentais pas capable, pas légitime, et lisais les autres textes et découvrais l’évolution des autres personnages avec une admiration mêlée de “pétrification”. J’avais peur d’écrire un truc sans consistance[2]. Ainsi, j’ai failli renoncer pour l’écriture du 1er, puis du 2e billet, mais plus après, aidé en cela par miss P. qui m’a suggéré de m’approprier le personnage en y injectant des choses que je connaissais, et pouvoir ainsi lui donner plus de corps. Les billets suivants ont été plus facile et le déroulé s’est presque mis en place tout seul, j’ai été le premier surpris de l’évolution de l’histoire.
Si j’ai aussi eu envie de tout abandonner, c’est aussi une question d’humeur et d’état d’esprit : j’étais parfois dans des prédispositions mentales peu compatibles avec l’écriture d’un personnage rêveur…
La durée du séjour
Volontairement, je souhaitais ne pas rester trop longtemps en séjour à l’auberge, par peur de devoir y consacrer beaucoup de temps (ce qui s’avéra tout à fait vrai), et si on conseillait vivement au moins 3 semaines, pour prendre le temps de développer une histoire, j’ai tout de même opté pour 14 jours, ce qui s’est avéré très court, trop court pour faire évoluer le personnage. J’ai eu beaucoup de mal à suivre les billets (notamment pour pouvoir interagir a minima avec les événements) et à rédiger suffisamment de billets pour qu’il ait une vraie vie sociale. Il aurait fallu écrire un billet tous les 2 jours (environ) comme certain·e·s le font, je n’ai pu en faire que 4, tous les 4 jours, ce qui est très peu…
Les interactions
Suite à l’évolution inattendue (pour moi) de l’histoire du personnage sur la fin, j’avais trouvé une idée pour solliciter une interaction qui n’a pu se faire faute de temps. En plus, j’avais sollicité un auteur qui a complètement disparu de la circulation, mouarf ! Globalement, arrivant tout juste à me dépêtrer du perso, j’avais du mal à projeter des interactions avec les autres personnages. C’est dommage car c’est aussi ce qui fait une grosse part de l’intérêt d’un tel exercice collectif.
Les contraintes
Chaque semaine, une contrainte était proposée (mais pas imposée) pour les auteurs : honnêtement, ayant déjà beaucoup de mal à rédiger un texte qui me convienne à peu près, je ne me voyais pas me rajouter une couche de difficulté supplémentaire. J’ai donc fait l’impasse complète à ce niveau.
En conclusion
Si c’était à refaire, je repartirais sans aucun doute, en y prenant certainement plus de plaisir : cette première expérience fut intéressante et formatrice, mais aussi stressante, du moins au départ.
3 points principaux à préparer / améliorer :
- un personnage bien préparé, pourquoi pas sombre / pénible (mais pas détestable, tout de même)
- une vraie disponibilité pour pouvoir s’inclure pleinement dans le jeu et les interactions
- une mécanique d’écriture plus rôdée
Bien entendu, si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à aller découvrir cette belle aventure d’écriture commune sur le site de l’auberge des blogueurs, en précisant qu’une version PDF voire ePub devrait voir le jour dans les mois qui viennent.
Enfin, je tiens à remercier l’équipe (aka Kozlika, Franck & Pep) qui a eu l’idée de remettre le couvert, a mis en place tout l’écosystème de publication forum/blog et qui a géré ça aux petits oignons durant toute la saison. Leur implication de tous les instants a permis à cette expérience de se dérouler dans les meilleures conditions techniques et humaines possibles. Un grand bravo !
Notes
[1] Qui a dit que ça, c’était autobiographique ?
[2] Je ne suis d’ailleurs toujours pas persuadé d’avoir réussi à mettre un peu d’épaisseur ou de particularité au personnage de Colin.
Billet original sur Envisager l'infinir