Sans aucun doute à cause de la fatigue accumulée, le manque d'heures de sommeil salutaires et la tristesse collective qui continue de se propager alors que le temps est à l'été indien absolument somptueux, j'ai la tête dans du coton, et des sautes d'humeur assez intenses, un moment pleine d'une énergie hors du commun (pour moi) et l'instant suivant pratiquement vidée comme une baudruche.
C'est dans ces moments là aussi que la matérialité corporelle m'apparaît la plus délicate à gérer : j'ai trop chaud aux joues, mais trop froid par ailleurs, je voudrais fermer les yeux et dormir, mais n'arrive pas à m'endormir, je n'ai pas envie de penser à manger et en même temps pourrait manger sans m'arrêter, tellement machinalement dès qu'un aliment franchit mes lèvres. J'ai des absences et si je ne suis pas strictement une liste, je ne sais plus ce que j'étais venue faire si je me déplace d'un endroit à l'autre, et je dois revenir sur mes pas, comme si l'idée avait matériellement quitté mon esprit pour se retrouver en route, à se dandiner ou à regarder un paysage que je ne vois pas.
Toutes ces sensations comme si j'étais entre deux, entre deux univers, un univers éthéré, lumineux, chaleureux, et un autre trop silencieux, sombre et feutré où le moindre mouvement est déplacé.
Aujourd'hui, après quatre journées quasi consécutives à cotoyer des endeuillés, j'ai eu la possibilité et le devoir de m'activer uniquement à des tâches agréables et demandeuses dans les domaines que je préfère : je ne me suis pas attelée à des courses barbantes, à des corvées ménagères indispensables mais rebutantes ou à des devoirs financiers ou administratifs que je redoute toujours.
Malgré ces sautes de tension et d'attention, j'ai pu mettre au monde de petites victoires dans le travail, et rien que ça, ajouté au soleil radieux, à la température record, et à l'éclatement des couleurs des feuilles des arbres de la région, rien que ça m'a mis plus d'une fois le sourire aux lèvres, et fait penser que les choix que l'on fait à chaque instant peuvent certainement nous aider à nous améliorer, y compris dans le deuil.
Billet original sur Un jour @ la fois