Le monde est un pont très étroit

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... et l'essentiel est de ne pas avoir peur. 

C'était l'une des citations de Rabbi Nachman de Breslav qu'affectionnait particulièrement notre Rabbin Marcus Burstein qui a rendu son âme très pure hier soir à la sortie des étoiles, une fois le Yom Kippour accompli. 

Aujourd'hui, après que la journée, cahotique et émotionnellement très chargée, s'est terminée, la puissance de la perte que sa mort nous fait éprouver m'est tombée finalement sur les épaules. 

Une perte collective, parce qu'il était notre rabbin, avec passion, avec beaucoup d'amour, et avec une approche si sensible, si pleine d'optimisme et d'écoute sans jugement, une ouverture à toute épreuve, et la capacité de nous faire sentir la personne la plus importante de son univers lorsqu'il nous écoutait. Une perte individuelle parce que j'avais eu le temps de développer toute la gamme des sentiments que je réserve aux personnes intimes de mon cercle, celles que je peux rabrouer, celles avec qui je peux me confier, me disputer, argumenter, râler, critiquer et sur qui je veux pouvoir compter pour qu'elles m'aident à me transformer, à toujours apprendre quelque chose de nouveau, à changer mon point de vue et voir les choses avec plus de compassion ou une autre perception que sans elles je n'aurais jamais soupçonnée. 

Marcus était de ceux là. 

Je suis meilleure de l'avoir connu. Il m'a montré un chemin plus gracieux quand ma réaction à l'injuste ou l'injustifiable est d'abord la rébellion et l'immense colère. Il m'a appris la voie de la souplesse et la façon de mettre vraiment en pratique les principes que l'on admire. Jusqu'au bout, il a conduit sa vie avec beaucoup de sainteté, c'est à dire en se respectant lui d'abord tout en étant si immensément respectueux des autres. 

Je garderai précieusement le souvenir des heures que nous avons passées ensemble à étudier et à discuter des textes saints, à confronter nos opinions différentes et à apprendre l'un de l'autre. 

Que l'heure de sa mort soit celle réservée aux tsaddikim, - les hommes justes - puisqu'elle est survenue au moment où chacun est entièrement purifié, n'est guère étonnant. Son mari qui nous a passé l'annonce tout juste après la mi-nuit a remarqué surtout qu'il avait voulu attendre que ses proches, ses amis et ses congrégants aient pu accomplir la journée si solennelle avant de devoir passer au temps du deuil. 

Nous l'enterrons demain matin et accompagnerons sa famille dans un chemin inimaginable, si grande est notre peine, nous qui l'avons approché quelques instants de sa vie, combien doit-elle être effrayante quand il s'agit de l'être qu'ils ont tant aimé et avec qui ils ont marché tant et tant main dans la main. Oui, le monde est un pont très étroit, et il nous faudra vraiment ne pas avoir peur. 

 

Il est une formule consacrée en hébreu lorsqu'on apprend la nouvelle de la mort de quelqu'un :  ברוך דיין האמת Barou'h Dayan haEmet qui se traduit en "Béni soit le Juge de Vérité" - une formule un peu énigmatique et qui prend tout son sens à la longue à force d'avoir été répétée : nous n'avons pas les clefs de la compréhension des raisons d'une vie qui est fauchée, mais toute vie a un sens profond, quand elle est bien vécue et c'est cela la vérité. 

Billet original sur Un jour @ la fois

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