Je ne vais pas mentir : les fêtes s'annoncent une période très douce amère... Je suis contente d'avoir pris les décisions que j'ai prises de m'entêter à soutenir du mieux que je peux, tout en restant ouvertement critique, la nouvelle synagogue, parce que ce qui compte pour moi, c'est ma communauté, celle qui s'est dispersée certes, mais qui ne reviendra pas si il ne reste pas au moins les noyaux qui sont capables de s'opposer à cette politique du business qui nous révulse tant. Et parce que l'un après l'autre, les leaders qui incarnaient l'ouverture, la simplicité, la recherche de la spiritualité avant tout, l'éthique et la morale juives comme compas, et non pas la "bonne gestion fiduciaire" avant tout, puisque tous ces leaders sont décimés les uns après les autres, ceux et celles qui les ont soutenus, admirés, émulés ont un devoir de ne pas abandonner, et je suis fière d'en faire partie.
Mais ça a été dur aujourd'hui, quand l'effort qu'a fait notre rabbin mourant de venir pour être parmi nous pendant l'office est si clairement un acte héroïque qui l'épuisera encore plus vite, quand il ne lui reste plus aucune chair sur les os et que le cancer le ronge tant de partout physiquement qu'il est obligé d'être médicamenté lourdement et perd toute sa force mentale dans l'effet des drogues, et que malgré ça, il continue à nous sourire, à nous embrasser et à nous soutenir, nous, par ses mots et par son désir d'enseigner jusqu'au bout, quel que soit ce bout.
Et maintenant, jusqu'à Kippour - qui débutera mardi soir prochain, j'ai bien besoin de ces jours là pour réparer tous les torts que j'ai pu commettre, volontairement comme involontairement, envers tous mes proches et moins proches, par mes paroles, mes pensées et mes actes : sûrement, nous avons tous appris à vivre dans une culture où il est plus vite fait de balayer les manquements des uns et des autres, les nôtres et ceux que l'on subit, sous les tapis de la bienséance, et du politiquement correct, la plupart du temps.
Du coup, cela devient de plus en plus difficile d'être franc et honnête, de reconnaître ses émotions et de les identifier correctement. J'ai toujours autant de mal avec les émotions négatives, qui font peur et qui se transforment en colère ou ressentiment pour ne pas les endurer trop longtemps.
Hier, dans son sermon très puissant, l'autre rabbin décrivait parfaitement cette tendance, à vouloir éviter à toute force l'inconfort des émotions négatives, l'inconfort de la confrontation avec la mort et l'expérience des autres face à cette condition qui est pourtant universelle, nous sommes tous voués à mourir, et ne savons pas nécessairement quand cela va se produire, et pourtant quand nous avons la possibilité d'entendre le témoignage de ceux qui vivent dans cette échéance là, nous nous détournons, et ne savons pas les écouter dans ce qu'ils sont prêts à nous dire de leur expérience.
Je l'ai remercié chaleureusement pour ce sermon, que j'espère nous serons suffisamment nombreux à le convaincre de rendre public.
La culture du "secret" ou plutôt la pauvreté de la culture de partage de cette synagogue est l'une des choses contre lesquelles je veux continuer à lutter. J'étais très heureuse de constater que de leur côté, plusieurs de mes amis et alliés ont également continué leur propre bataille pour d'autres aménagements qui nous semblent primordiaux, et l'ambiance et l'énergie qui régnaient hier et aujourd'hui à la synagogue étaient véritablement le jour et la nuit si je compare avec ce qu'il en avait été l'an passé.
Ca tombait bien, aujourd'hui je chantai la création du jour et de la nuit, leur séparation, et nous avons aussi eu une discussion passionnante en guise de sermon après la lecture de la Torah, sur les deux créations du monde : la première qui figure au premier chapitre de la Genèse, ne l'oublions pas, ayant été entièrement anéantie par le déluge. La seconde a tenté d'améliorer les malfaçons évidentes de la première fois, qui notamment avait donné un peu trop pouvoir ou laissé la bride sur le cou à l'humain chargé de dominer la terre : erreur grossière, et il est clair que la nature est souvent là pour nous rappeler que nous n'avons pas le droit d'abuser du moindre pouvoir, notamment du pouvoir de décision.
Le premier ordre qui nous est donné est de nous multiplier, et aussi de faire fructifier les bienfaits, pas de les détruire.
Billet original sur Un jour @ la fois